UNE AMANITE RARE        AMANITA ASTEROPUS


Il est fort probable que la grande majorité des lecteurs de cet article n'ont jamais vu ni même entendu parler de ce champignon. D'ailleurs, la plupart des ouvra­ges modernes de mycologie l'ignorent ou sont bien peu explicites à son sujet. Seul Régis Courtecuisse, dans son guide encyclopédique des champignons de France, donne une courte description de cette amanite qu'il considère comme très rare, accompagnée d'une illustra­tion peu évocatrice et Jacques Montegut, dans son ency­clopédie analytique des champignons, en fait une étude plus conséquente, assortie de deux excellentes photo­graphies.

Certes, cette amanite ne se rencontre pas à tous les coins de bois mais elle est moins exceptionnelle que le disent les auteurs qui, pour ne l'avoir jamais rencon­trée, pensent qu'elle est rarissime. En fait, sa réputation de rareté vient du fait que son aire de répartition est res­treinte car, cette amanite qui aime la chaleur, se can­tonne presque exclusivement au littoral atlantique du Sud-Ouest. Elle a été découverte en 1956 par Sabo dans la région de Bordeaux, puis a été récoltée dans les Landes et les Pyrénées Atlantiques. Personnellement, je l'ai récoltée à plusieurs reprises avec mon regretté ami Henri Mesplède alors président de la Société Mycologique Landaise dans la région de Mimizan (Landes). Des stations inhabituelles ont été signalées: en 1982 Romagnesi l'a décrite à la suite d'une récolte dans le Jura, en 1984, on l'a trouvée dans la Creuse. Son aire de répartition préférentielle reste cependant le littoral atlantique du Sud-Ouest.        

Arrivé là, vous pouvez à juste titre vous deman­der pourquoi je vous «bassine» avec cette amanite que vous n'avez à priori aucune chance de rencontrer dans vos lieux habituels de prospection. Précisément parce que cette improbabilité n'est peut-être plus de raison car notre amanite semble avoir décidé d'étendre son terri­toire vers le Nord. Il y a 3 ans, j'avais déjà récolté deux exemplaires dans la forêt de Boulogne, près de la D 112 à la sortie sud du Parc de Chambord. Je pensais alors que c'était un accident. Or, au cours du mois d'août 2004, j'ai récolté Amanita asteropus à 3 reprises successives, toujours dans la forêt de Boulogne ,près de l'étang de Montpercher.

Dès lors, on ne peut plus parler de récoltes accidentelles et il n'est pas utopique de penser que notre amanite peut gagner un jour oul’autre la forêt d’Orléans et même la forêt de Montargis ou l’Arboretum des Barres.

Je vais donc vous la décrire pour que vous ne restiez pas perplexe au cas où dans un avenir plus ou moins proche vous auriez la bonne fortune de la rencon­trer. Amanita asteropus Sabo ex.Romagnesi (amanite à pied étoilé) est un champignon de taille moyenne (diamè­tre du chapeau 8 à 15 cm) et d'allure plutôt élancée. Son chapeau, d'abord campanulé puis convexe s'étale et s'aplanit avec l'âge. Il peut présenter un mamelon central obtus. Sa cuticule. un peu lubrifiée par temps humide, est satinée par le sec. Elle est blanc jaunâtre chez les exem­plaires jeunes. puis blanc crème à blanc ivoire sur les exemplaires adultes, le disque gardant longtemps sa teinte jaunâtre. Il arrive que le chapeau montre de petites plaques friables ou de petites verrues jaune ochracé pro­venant du voile général. Ces reliquats de voile sont déter­sibles et facilement emportés par les pluies. La marge du chapeau est lisse chez les jeunes, brièvement striolée chez les adultes. Le revêtement du chapeau est maculé de brun roux, de brun madère, d'abord sous forme de simples ponctuations sur les jeunes sujets, ponctuations qui, avec la croissance du chapeau, s'agrandissent, s'éti­rent et finissent par constituer des traînées plus ou moins longues, disposées radialement, rayonnantes, plus ou moins diffuses, qui confèrent au champignon un aspect tout à fait caractéristique, comme s'il avait été barbouillé par un pinceau maladroit. Cet aspect très original permet à lui seul de déterminer cette amanite.

Ajoutons que le pied est élancé, blanchâtre, bru­nissant au toucher, qu'il porte un anneau membraneux, tombant en jupe sur le pied, assez fragile souvent déchiré, parfois évanescent. La base du pied s'épaissit en un bulbe hémisphérique, souvent très marginé et éclaté par des fentes verticales, ressemblant à des entail­les de couteau plus ou moins larges qui lui donnent un aspect bosselé en étoile (d'où le nom du champignon). Cet aspect étoilé n'est pas constant, il peut n'être que partiel et il n'est pas absolument spécifique d'Amanita asteropus puisqu'on peut le retrouver sur des formes luxuriantes d'Amanita citrina. La volve à la base du pied est jaunâtre, très fragile, peu évidente, souvent retenue en terre. Les lames sont serrées, libres, blanc crème. La chair exhale une odeur raphanoïde, de pomme de terre crue, de rave, comme Amanita citrina (qui a des affinités évidentes avec Amanita asteropus). Sa saveur douce est sans particularité . Nous n'insisterons pas sur les carac­tères microscopiques qui n'apportent rien de plus. Amanita asteropus pousse surtout en été, aussi au début de l'automne, surtout sous les chênes et les châtaigniers, parfois dans les bois mixtes sous pins mélangés avec ces feuillus, solitaire ou en petits groupes, sur sols sili­ceux ou argilo-calcaires.

Théoriquement comestible, elle est en pratique immangeable car sa saveur de rave s'accentue fortement à la cuisson. (Monsieur C. Rouezeau, de la Société Linéenne de Bordeaux l'a courageusement consommée à trois reprises sans être incommodé mais sans aucune satisfaction culinaire).

Pour conclure, nous dirons que, si vous gardez en mémoire l'aspect étrange et très caractéristique du chapeau blanc gribouillé de roux d’ Amanita asteropus, vous la reconnaîtrez, sans hésitation si vous la rencon­trez un jour ou l'autre. (ce qui suppose qu'elle continue sa migration vers le Nord). C'est ce que je vous souhaite car mettre sans hésitation un nom sur une espèce rare est toujours un vrai plaisir pour le mycologue.

 


 P.S :

Quand j’ai écrit ces lignes, et les années passant, j’ai été bon prophète. En effet Amanita asteropus, que l’on sait être maintenant d’origine américaine, a largement réussi sa migration vers le nord. Ainsi elle a envahi la forêt solognote où on la rencontre de façon habituelle surtout en été. Elle peut même devenir envahissante : ainsi le 17 août 2011 lors d’une sortie en forêt de Boulogne près de l’étang de Montpercher nous avons été stupéfaits par le spectacle de centaines d' Amanita asteropus qui peuplaient le sous-bois 


       

                                         Jean Prady